mercredi 30 décembre 2009


En ami de Forrest Gander




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La critique de Dédé :






lundi 14 décembre 2009

Yanvalou pour Charlie de Lyonel Trouillot




Revue de presse :


Plus qu'un écrivain haïtien, Lyonel Trouillot est un acteur engagé de la vie publique de son île. Le peintre sensible des fractures qui la disloquent. En témoigne ce nouveau roman polyphonique, véritable portrait croisé d'une nation récif où viennent se briser les reflux du monde. On y retrouve les séquelles d'un ordre mondial injuste, les mirages du modèle américain, la peur du pauvre, l'aveuglement ou la solidarité désarmée. Le temps d'une dérive insulaire en quête de réconciliation pour Mathurin D. Saint-Fort.

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Retours au pays natal
Par Grégoire Leménager
" Yanvalou pour Charlie " est bien un roman, et même un des plus subtils que l'on puisse lire par les temps qui courent. Comme dans " la Chute " de Camus, son héros est un avocat pragmatique, sinon cynique, pour qui " le souvenir est un luxe, pas une nécessité ". C'est qu'en quittant son village, des années plus tôt, il a " choisi de perdre la mémoire " pour mieux grimper dans l'échelle sociale. " Travailler plus pour gagner plus " lui servirait assez bien de maxime ; c'est Rastignac à Port-au-Prince. Mais les Rastignac, même barricadés dans leurs mensonges, n'atteignent jamais qu'un équilibre précaire. Et celui auquel est parvenu ce brillant personnage n'a plus qu'à s'écrouler quand un jeune orphelin, originaire de sa région, vient forcer sa porte, l'appeler à l'aide et détoner comme un coup de pistolet au milieu d'un concert.

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Après une brève escapade vers une littérature plus intime - le charmant L'amour avant que j'oublie -, Lyonel Trouillot revient à la réalité insulaire avec son huitième roman, Yanvalou pour Charlie. Un récit choral où se mêlent les voix de personnages en détresse, de destins malmenés par la trahison et l'abandon. "Ce livre est né du spectacle au quotidien du mensonge de la vie mondaine haïtienne. Une élite qui se regarde dans des miroirs stupides et reste aveugle à la réalité des autres." Symbole de cette classe dévorée par l'ambition, Mathurin a quitté son village natal pour les ors d'une existence nouvelle. Devenu avocat d'affaires, il mène une vie que rien ne trouble, si ce n'est l'éventualité de sa prochaine promotion. Débarque alors Charlie, adolescent gouailleur et loqueteux, qui vient implorer son aide après un braquage raté. Le genre de gamin capable de vous affirmer de but en blanc: "C'est toujours dangereux d'écouter les histoires des autres. Tous les malheurs du monde viennent des histoires qu'on nous raconte."

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La chronique littéraire de Jean-Claude Lebrun
Lyonel Trouillot La force des faibles
Lyonel Trouillot a fait paraître son premier roman en 1989 et s’est rapidement imposé comme l’un des écrivains majeurs d’Haïti. Dans ses proses comme dans ses poésies, en créole ou en français, il saisit les réalités de son pays sans exotisme ni complaisance. Fouillant à chaque fois un terreau historique et humain complexe, à partir de cheminements d’écriture inattendus qui situent son oeuvre au plus haut dans la riche nébuleuse des littératures caribéennes.
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Un gamin déguenillé qui va "foutre le bordel" dans la vie bien rangée du narrateur, Mathurin.Avocat dans la capitale haïtienne, celui-ci affiche volontiers son cynisme ("Je ne perds pas de procès ce qui commence à se savoir. Les gens respectent les gagnants. Vaincre est un capital social"). Ce cynisme de façade s'effondre lorsque Charlie vient dans son bureau "réveiller les morts et les bons sentiments" avec "des histoires de village, de meurtre, d'argent sale, d'amour et de misère, de musique populaire et de quartier bourgeois".En balançant à Mathurin son deuxième prénom, Dieutor, prénom qui trahit la misère et les hameaux perdus d'Haïti, Charlie a réveillé des fantômes. Parce que Mathurin, un jour, lui a ressemblé. Parce qu'il vient du même village que Charlie et a décidé de l'oublier.

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La critique de Dédé :



Haïti . Mathurin-Dieutor, jeune avocat prometteur, claquemuré dans l’oubli d’une enfance au cœur d’un village pauvre où il a laissé ses illusions, un vieil ami et ses amours de jeunesse, protégé par une carapace de cynisme faussement innocent face aux réalités de la vie de la capitale d’un pays de misère extrême, est ramené à son passé par l’irruption dans sa vie d’un jeune garçon des rues, à la recherche du Dieutor que Mathurin s’est tant appliqué à effacer.
Si la première partie est racontée par les soins du jeune bourgeois aux dents longues, la deuxième est confiée à Charlie qui nous emmène dans les bas-fonds de la misère haïtienne, jusqu’au paroxysme d’un rendez-vous de tous les dangers entre ceux qui croient en leur étoile et ceux qui croient en un monde où chacun aurait son étoile. A moins que ce ne soit encore par la bouche de Mathurin qui dit entendre dans sa tête les mots de ce Charlie qui ressemble tellement au Dieutor qui débarqua jadis dans la capitale.
La troisième partie est une narration impersonnelle d’une tragédie où chacun, hésitant entre deux identités, va voir se jouer son destin en un éclair, au cœur d’un véritable cloaque déshumanisé où les humains ont peine à se nommer.
Le roman s’achève dans un dialogue indirect et épistolaire entre le jeune avocat, définitivement rangé du côté de la réussite personnelle et son amour d’enfance. Où l’on s’apercevra que l’évènement a permis à Mathurin d’enterrer ses morts en errance et de raccommoder les plus graves déchirures de l’enfance.
Un roman de son époque, qui se recueille sur la tombe des illusions perdues par les générations précédentes et qui ne voit guère d’autre étoile à décrocher qu’un " petit arrangement avec ses morts ".







Mon frère de Marie-Magdeleine Lessana










Doux ravage



Que fait une psychanalyste à devenir romancière ? Elle marche à côté de ses pompes peut-être ? On se souvient de ses essais remarqués " Entre mère et fille : un ravage " devenu un classique. J'ai beaucoup de copines qui le revendiquent toujours comme livre de chevet.Avant cela, elle s'était bien énervée sur la médicalisation de la procréation, démontrant que l'emprise médicale sur nos désirs d'enfant et sur nos désirs érotiques, annonçait une infertilité rampante (" Malaise dans la procréation ").Et la réédition des érotiques de Georges Bataille, illustrés à l'identique de ceux cachés sous le manteau, disparus depuis cinquante ans chez les rares collectionneurs riches et chanceux dans le monde. Sollers avait réagi !Les lectrices de ELLE ont retenu son " Marilyn, portrait d'une apparition ", somptueuse démonstration du talent de la star, qui a su chercher aux tréfonds de ses moments d'égarements la brillance de son art. L'auteur réhabilite l'artiste Marilyn dans sa singularité et montre à quel point on a eu tort de la traiter en " pauvre fille déprimée, suicidaire, et droguée ".Alors, où est la romancière, je vois plutôt la subversive, l'incorrecte? Elle s'est glissée doucement entre ses essais. Elle dit elle-même que ses romans prolongent les autres, en plus intimes, plus libres et plus poétiques. Donc plus justes ! Comment une psychanalyste peut-elle écrire des romans ? La réponse c'est le roman lui-même, aujourd'hui son troisième, " Mon frère ", décoiffant dans son style sans bavure, sa vitesse. Un retour à la mémoire par l'écriture des joies intenses et des misères de l'enfance : une sorte d'union sacrée avec un frère quasi jumeau que la vie, la maladie et la mort éloigneront d'elle, mais laisseront une trace indélébile de la belle rage lumineuse de l'union enfantine. Vision sur les secrets de l'amour que nous connaissons tous, mais discrètement.La republication simultanée aujourd'hui du " Entre mère et fille : un ravage " à Hachette Pluriel et la sortie de " Mon frère " (Ramsay) permettent de mesurer le pas que fait Marie-Magdeleine Lessana avec le roman. Ce n'est plus la femme douée qui nous apporte son expérience subtile, c'est l'être qui se dévoile dans l'écriture. On s'en imprègne, on est bousculé. La lecture nous laisse hantés. Mais par quoi exactement ? Quand on referme le livre se dégage de cette lecture un sentiment de " familiarité " qui n'est ni nostalgie, ni mélancolie, mais quelque chose qui lie certains êtres entre eux. Je crois qu'il s'agit de ceux qui ont traversé un point de non retour, Pasolini en parlait, ils se reconnaissent sans avoir à se le dire. C'est ça le livre " Mon frère ", cette sorte, rare, d'amour qui réveille.




Philippe David


La critique de Dédé :


Une rencontre imprévue avec un homme " lumineux ", différent, provoque chez la narratrice un flot de sensations venues du fond de l’enfance où s’était nouée pour elle une relation privilégiée avec un frère de deux ans son aîné. Cette évocation, racontée dans une grande urgence sensorielle, nous mène du paradis de " la maison du Sud ", tout de lumière et de bonheur, à la mort du frère, en passant par une progressive séparation forcée, au gré des aléas de la vie familiale et sous le poids d’une éducation stricte dont l’auteur analyse les ravages sans juger.
Un récit court qui aurait pu être écrit l’espace d’une nuit. Une écriture au pas de charge qui s‘apaise à peine à l’évocation de la souffrance et de la mort, où il est sans cesse question de lumière, celle qui aspire, celle qui rayonne, celle qui s’estompe et celle qui s’évanouit.
On en ressort haletant, convaincu par cette brillante démonstration psychanalytique, mais un peu dérouté par ce tourbillon sensoriel qui peine à nous rapprocher de personnages que l’on pressent pourtant riches d’une histoire dont on aurait pu tirer plus.

lundi 7 décembre 2009

Un siècle d'enfer - de Frédéric Castaing - (par Dédé)


Un siècle d'enfer : revue de presse.








Le cafar cosmique :
Sommité relative du who’s who germanopratin, Frédéric Castaing est connu en tant que président du syndicat de la librairie ancienne et moderne, antiquaire réputé de la rive gauche, petit-fils de Madeleine Castaing (figure emblématique du petit monde de la décoration et mécène de nombreux artistes), et, pour ce qui nous intéresse vraiment, auteur de deux polars plutôt bien accueillis en série noire en 1994 et 1996. La parution au Diable vauvert de son quatrième roman, après un détour chez Ramsay en 2005, s’affiche donc en soi comme un joli coup pour l’éditeur languedocien.
Aussi, le lecteur méfiant soulève-t-il la première page de Siècle d’enferl e sourcil haussé, de crainte d’y découvrir un faux roman prétexte à un « buzz » de rentrée [...].







Les plumes d'Audrey : Frédéric Castaing, auteur reconnu de deux polars chez Série Noire – Gallimard (“J’épouserai plutôt la mort” et “Ca va? Ca va.”) signe pour cette rentrée littéraire son 4ème roman, au Diable Vauvert, en conservant le fil rouge du roman policier et y mêlant un tout petit peu de science-fiction…
“Siècle d’enfer” se présente comme le journal intime de celui qui se fera appeler Vendredi 13 par la suite, incarcéré à 5 ans dans un camp de redressement et qui en ressort à 22 ans. Après 17 ans passé enfermé, il se retrouve dans un Paris en proie aux émeutes urbaines dans lequel sa réinsertion va devoir se faire coûte que coûte.Vendredi 13, après sa sortie du camp, doit également fuir des individus surgis de son passé et bien décidés à ne pas le laisser en vie maintenant qu’il est hors du camp [...].





Parutions, Lisa Jones :
Une aventure, une histoire d'amour, un roman policier, une critique sociale... Siècle d'enfer inclut tous ces genres. Notre héros sort à vingt-deux ans du camp où il a passé la plupart de son enfance. Enthousiaste, plein d'espoir, prêt à découvrir le monde, il veut devenir écrivain. Mais, traqué inexplicablement depuis sa sortie, il se trouve forcé à fuir ses assaillants, qui sont du genre tenace. Se rebaptisant Vendredi Treize, il aboutit dans une association d'aide sociale où il commence à travailler et rencontre, sous cette nouvelle identité, ses futurs collègues : une fille comme il n'en a jamais vu, et Robert, plus ambigu, paternel et distant à la fois. Poursuivi à travers le roman par ces assassins mystérieux, Vendredi se bât, tombe amoureux et essaie d'écrire son livre, charmant le lecteur, avec les autres personnages, jusqu'à l'euphorie littéraire [...].





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La critique de Dédé :


Enfermé depuis l’âge de cinq ans pour ce qui semble être un acte grave, le héros est relâché pour « bonne conduite » et « services rendus » par le camp où il aura passé l’essentiel de son enfance et son adolescence. Il débarque dans une société française dont tous les travers actuels ont évolué vers le pire : ultralibéralisme largement exhibé face à une précarité qui va croissant, flexibilité désormais obligatoire vantée même par des syndicats qui se sont mutés en associations corrompues, climat permanent de tension face à une injustice à peine dissimulée.
Dès sa sortie, il est pris en chasse par plusieurs groupes plus louches les uns que les autres, qui laissent à penser qu’il est au cœur d’un mystère que l’on va se délecter à voir élucider peu à peu.
Hélas, tout ceci nous est raconté dans un style très « cinéma d’action », dans une urgence permanente où la violence gratuite et répétitive jusqu’à l’écoeurement le dispute à une animalité des relations humaines, certes assumée et saupoudrée d’un humour sordide, mais qui fait que le lecteur s’impatiente, ne parvient à pénétrer la psychologie du moindre personnage et sort d’autant moins convaincu par un dénouement très prévisible qu’il est depuis belle lurette épuisé par un roman de (courte) anticipation bien pauvre et fort crispant.



























Qu'est-ce que le Prix Van Dongen ?



En 2009, au CDI du Lycée Van Dongen, on s'est mis en tête de se prendre pour un jury littéraire et on a sélectionné une vingtaine de romans de la rentrée littéraire. On a démarré à quatre, deux personnels du CDI et deux élèves de seconde pour lire ces romans, en faire une critique accompagnée d'une revue de presse et puis . . . partager les avis sur les oeuvres au travers de ce blog.


Le but : Sélectionner cinq ou six romans pour ensuite motiver une classe ou deux de l'établissement pour élargir le jury et élire le roman "Van Dongen" de l'année.


Et pourquoi pas, à terme, participer au "Goncourt des lycéens" ?


Mais ceci est une autre histoire . . .



Notre Pré-Sélection :