jeudi 14 janvier 2010

"Le silence des abeilles" , Daniel de Roulet




Revue de presse.


Critique de l'Humanité

Daniel de Roulet Un Suisse rebelle
Daniel de Roulet, " Le Silence des abeilles ", Editions Buchet-Chastel, 240 p., 17 euros.
Après un détour par les Etats-Unis et le Japon, Daniel de Roulet revient dans cette Suisse qu’il ne cesse de brocarder. L’écrivain " d’outre-Jura " compose ainsi, depuis " La ligne bleue ", son premier roman en 1995, une manière de grand tableau satirique aux coloris acides et aux traits fortement appuyés.
Le personnage central du " Silence des abeilles " s’appelle Siddhârta Schweitzer. Son géniteur se prénommait Jean-Jacques. D’entrée de jeu, le roman s’affiche sous le signe du clin d’œil et de la dérision. Le garçon, né en 1982 de l’union de deux soixante-huitards, porte la marque de leur attirance pour l’Orient contemplatif, elle-même suscitée par la lecture du " Siddhârta " d’Hermann Hesse. Mais son patronyme de Schweitzer souligne l’appartenance profonde à la Suisse. Quant à Jean-Jacques, il suffira d’indiquer que le livre de Daniel de Roulet se présente comme un roman d’apprentissage, dans le sillage lointain de " L’Emile ". Pour s’adresser au garçon, on avait vite recouru à un diminutif. " Sida ", naturellement. Ce qui n’avait posé aucun problème tant qu’il avait été scolarisé en Suisse alémanique. Quand il était passé dans la partie romande de la Confédération, il avait fallu opter pour " Sid ", moins sujet à ricanements. Ces transformations successives de son prénom préfiguraient de futures radicales voltes-faces. Puisque, tel son homonyme de la légende bouddhiste, Siddhârta s’aventurerait sur les voies les plus opposées avant de se trouver. Ce roman enlevé, qui allie humour et causticité, s’appuie sur des références multiples pour produire son sens.
Voici donc Sid tour à tour agent de sécurité du forum de Davos puis apiculteur écologiste, activiste néo-nazi, enfin chevalier servant d’une Japonaise incarnant le nouveau nomadisme mondialisé. S’essayant en somme à des postures diverses et antagoniques, faute de pouvoir trouver sa place dans l’univers confus qui s’offre à son regard. A chaque fois, c’est aussi un pan de réalité suisse qui se donne à découvrir. Dans des séquences tantôt grinçantes et tantôt brutales. Non content de haïr ses parents et leurs idées vaguement libertaires, Sid était devenu un braillard fasciste et xénophobe. Lorsqu’il s’était lancé dans l’apiculture, il n’avait pas récolté le miel de ses butineuses -trop d’entre elles mouraient, malades ou empoisonnées-, mais il avait fait commerce de leur…venin, qu’il vendait à un laboratoire pharmaceutique. Sid, c’est la tentation permanente du pire. Un mélange de désemparement et d’obstination, de soumission et de révolte. Un homme en déshérence au pays de Derborence, ainsi que l’indique malicieusement Daniel de Roulet. La charge est féroce. Menée tambour battant en énoncés vifs et dépouillées, à la façon des piqûres d’un essaim. S’abandonnant aux délices de la caricature, l’écrivain ne recule jamais devant une possible surcharge.
Face à Sid se présente Ichiyô, une jeune téléphoniste japonaise rencontrée sur une plate-forme d’appels. Elle est la fille d’un kamikaze de la Seconde guerre mondiale qui portait le surnom de Mozart : un personnage du…précédent roman de l’écrivain. Celui-ci trame en effet, depuis le début, une véritable histoire des six dernières décennies. Derrière la critique virulente de la Suisse s’y donne à reconnaître un point de vue guère plus indulgent, sur le monde tel qu’il va. Avec des millions de semblables à Siddhârta, ne sachant trop où porter le dard de leur révolte. Et pour cela, comme lui, s’aventurant au hasard des chemins qui se présentent.


Pourquoi les abeilles dépérissent-elles ? Parce qu'on les empoisonne ? Parce qu'on les prend pour des vaches à miel ou à venin ? Les scientifiques cherchent des réponses.Sid aussi essaie de comprendre. Né au début des années 1980, il ne sait pas trop à quoi se raccrocher, se fiant tour à tour à la sagesse des apiculteurs, à la nostalgie des néonazis, au cynisme du Forum de Davos, à son irrésistible penchant pour une étrange téléphoniste japonaise...Dans un pays sans mer où coulent le miel et le chocolat au lait, sur une planète où les humains ne pourront survivre sans les abeilles, Le Silence des abeilles est le roman d'apprentissage, drôle et grave, d'une certaine jeunesse."- 4e de couverture –


Critique (assez négative de Paper blog)

Il s’agit d’un livre écrit par un suisse qui se déroule essentiellement en Suisse.L’écriture est aussi simple que l’histoire. Siddharta est un jeune garçon quand il commence à s’intéresser aux abeilles. Mais il se destine aux d’abord Beaux-Arts, il y rencontrera une bande de copains avec qui il aura envie de refaire le monde. Malheureusement après l’échec d’une manifestation, Sid déprime. Alors il part aux Etats-Unis, où pris sous l’aile d’un compatriote, il apprend un nouveau métier. Loueur de ruche pour les fermes agricoles. Le périple de Sid ne s’arrête pas là, car bientôt le revoilà revenu en Suisse.
Sid est un garçon perdu qui cherche sans cesse sa place. Il rêve d’abeilles au lieu de rêver de filles. Sa relation avec ses parents est chaotique, c’est peut-être pour cette raison qu’il se sent si bien auprès de l’univers réglé des abeilles. A son retour dans la région de Davos, son appartenance à un groupuscule d’extrême droite est remis en question quand Sid s’interesse de trop près à une japonaise.
Difficile de parler de ce livre, car il ne m’a rien apporté comme émotion. Je n’ai rien ressenti à la lecture de la vie de Sid. Même si on sent que certains passages ont été écrit pour être drôles, je ne me suis pas laissée entrainé par le récit. Daniel de Roulet sait écrire, mais n’a pas réussi à faire vivre Sid pour que je m’attache à lui.
édité chez Buchet Chastel. 2009. 17€


www.paperblog.fr/.../le-silence-des-abeilles-daniel-de-roulet-rentree-litteraire-2009/ -


(Radio Suisse Romande)


Daniel de Roulet ou le regard ironique d'un Suisse en exil
Le ton est ironique, presque narquois, son oeuvre détonne dans le paysage littéraire romand. Daniel de Roulet est-il trop libre ? Trop militant ? Trop curieux ? St-Imier, Genève où il est né ? Un simple hasard.
D'ailleurs, cet architecte de formation partage le destin de la Suisse à distance, depuis son exil français à Frasne-les-Meulières. C'est là qu'il a pris congé de son pays d'origine pour mieux en esquisser le portrait sans concession. Un regard au vitriol d'un romancier qui se fait un point d'honneur à ne pas passer à côté de son époque.

Le livre de Daniel de Roulet, "Le silence des abeilles". [© Buchet et Chastel]
Dans "Le Silence des abeilles", son dernier roman à paraître, il raconte le désarroi de Sid, un jeune suisse sans vraies racines, à la recherche d'un idéal à défendre et qui se fera happer par l'extrême droite avant de tomber amoureux d'une japonaise. Une initiation pour Sid et un clin d'oeil de l'auteur à la mondialité.
Daniel de Roulet ne rêve-t-il pas à haute voie de l'homme post-helvétique ? Lorsque la Suisse se sera doucement et complètement dissoute dans cette mondialité qu'il qualifie de bon côté de la mondialisation. Lorsqu'elle n'existera plus et que ses frontières se seront effacées ! Affaire à suivre !






Critique de François

Ce roman m'est apparu d'une originalité désarmante et j'ai finalement beaucoup apprécié ce livre malgrés les réticences que j'avais au départ. Je ne connaissais rien de l'auteur, Daniel de Roulet, de nationalité suisse, et j'ai trouvé ce récit, qui s'inscrit dans la lignée des romans d'apprentissage cher au dix huitiéme siécle français vraiment trés amusant et trés pertinent sur le tableau et les portraits qu'il dresse à la fois d'une génération (la génération née dans les années 1980 aprés celle des "soixante huitard") et d'un pays, la Suisse , dont il fait une description corrosive et décapante, ce qui nous change de la vision française trop souvent idyllique que l'on a de ce pays. Sans compter le style assez unique en son genre qui use de multiples allusions à des références culturelles contemporaines modernes désormais "classiques" de notre époque, qu'il s'agisse de la culture moderne et post moderne,rock, littéraire ou pictural issu de la publicité, des médias, de la Pop culture ou de la religion (le personnage qui s'appelle Sid sera surnommé Sida, Siddharta,etc..) ... ; d'aprés ce que j'ai saisi d'autres critiques, ce roman s'inscrit en plus comme une piéce, un jalon dans l'ensemble de l'oeuvre de Daniel de Roulet, puisqu'il fait appel a des personnages (dont un certain Mozart par exemple) présents dans d'autres livres...les chapitres sont extrèmements courts, ce qui facilite la lecture et l'on a parfois l'impression de lire une sorte de conte philosophique à la Voltaire mais.... contemporain. C'est aussi par moments un trés beau récit de voyage qui dresse le portrait sans concession de la Suisse d'aujourd'hui et de façon plus générale d'un monde en pleine mutation économiquement et politiquement avec ce que cela comporte de points positifs et négatifs...

En lisant le début de ce livre, qui met en scéne un certain Sid Schweitzer (prénom qu'il tire du chanteur Punk Sid Vicious des Sex Pistols) né en 1982, l'auteur nous présente la vision et l'évolution au fil des vingt dernieres années d'un fils unique révolté un peu perdu et un peu rêveur dont le pére (professeur , soixante huitard à la retraite marié a une ancienne hippie reconvertie dans le new age et la littérature pour la jeunesse) s'appelle Jean Jacques (en référence sans doute à Rousseau, autre suisse et Jean Jacques célébre...) -on apprendra à la fin du roman qu'il n'est d'ailleurs pas le pére, ("peut être pas"...).-La narration est à la troisiéme personne et, la plupart du temps, l'auteur s'en prend surtout à la Suisse dont on découvre au fil des pages que sa fameuse neutralité politique n'est que pure légende...tout n'est pas rose en Suisse en effet si l'on suit le parcours, cette errance complétement chaotique de ce jeune homme qui, aprés une formation à l'école des Beaux Arts de Zurich finit par devenir apiculteur en se passionnant pour les abeilles dont le mode de vie trés organisé et suivant des régles de vie strictes doit lui rappeller son pays avec lequel il a des liens finalement extremements ambivalents, entre attraction et répulsion. Il va beaucoup voyagé dans ce roman , à travers la Suisse d'abord, pour fuir ses parents qu'il supporte de moins en moins, puis , les Etats Unis, où il croit faire fortune dans l'apiculture ;mais un grave accident de la route finit par détruire toutes ses ruches et l'oblige à revenir en Suisse où il met au point une invention permettant de recueillir du venin d'abeille .Tout en continuant son travail de simple apiculteur en Suisse, il rencontre alors Valentine, une standardiste japonaise qui travaille dans le milieu de la téléphonie internationale avec qui il aura une véritable relation amoureuse qui semble dans quelques passages du livre apaiser quelque peu les traits extremements violents et virulents de ce personnage dont les zones d'ombre apparaissent dans la deuxiéme partie du roman beaucoup plus politique...Le personnage principal va en effet rejoindre un groupucule d'extreme droite; ce sont les pages les plus noires et les plus désagréables du livre et le lecteur a du mal à suivre les reélles motivations de Sid qui semble perdu a ce moment la...Il finira par quitter ce groupuscule, epuisé et fatigué pour rejoindre Valentine son amie japonaise (qui, issue de Nagazaki, semble avoir eu une vie familiale mouvementée , un parcours politique et individuel tout aussi perturbé mais l'auteur en dresse hélas un portrait plus modeste que celui de Sid...


La recontre de ces deux errances, de ces deux solitudes (qui semblent subir et jouir dans le même temps de cet individualisme exacerbé qui les caractérisent profondément ainsi que l'ensemble des personnages qu'il croisent) nous permet de les voir évoluer dans l'espace d'une Suisse en pleine mutation malgrés son immobilisme apparent, mais aussi évoluer dans le temps car l'on suit l'évolution du personnage principal au cours des vingt derniéres années... les grands événements mondiaux sont évoqués : l'élection de Mitterand, la chute du mur de Berlin, l'élection de Bush (Pére et Fils),le début de la "mondialisation" en Suisse, le 11 septembre 2001 (ce jour la,le personnage proncipal perd sa virginité), la guerre en Irak, les premiéres manifestations alter mondialistes a Davos...

Enfermés dans leurs solitudes, prisonniers d'une forme d'hyper individualisme presque autistique chez Sid (qui rêve parfois qu'il est une abeille, perdant ainsi son humanité...), les personnages , "abeilles silencieuses" qui gravitent dans un monde en pleine métamorphose vivent et traversent finalement des moments historiques fondamentaux qui les relient malgrés eux à une sorte de communauté invisible qu'ils recherchent sans se l'avouer tout au long de ce récit. C'est aussi l'un des aspect plaisant de ce livre que de rappeller cette importance de l'Evénement ,du fait historique souvent refoulé dans nos sociétés modernes (surtout dans des pays neutres et "Sans histoires" comme la Suisse, le Japon... cf "la fin de l'histoire" du philosophe japonais Fukuyama). Si j'en recommande la lecture, c'est surtout pour ce dernier point car la vision qu'il donne de ces événements historiques trés récents est véritablement drôle et finement analysé avec un ton trés original et trés ironique (qui peut nous faire penser au style de Michel Houellebecq parfois -d'ailleurs,ce roman a beaucoup de points communs avec "les particules élémentaires", le pessimisme facile et le désarroi crypto réactionnaire en moins...) le tout se déroulant dans un pays aussi protégé et neutre que la Suisse, où le lecteur découvre que ,contrairement à l'adage du célébre philosophe de Voltaire dans "Candide", Pangloss ("tout va bien dans le meilleur des mondes") tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes...

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